Il voulut achever le grand gibier, mais au moment où il épaula son arme, l’orignal souffla puissamment une dernière fois. Ben Chabot avait devant lui le résultat de sa chasse. Il avait vu les yeux s’évanouir, les oreilles se ramollir et se plier vers l’arrière, il avait vu le sang dégouliner sur l’épais poil noir, et toute cette fumée blanche sortie des naseaux. Il lui fallut un peu de temps pour admettre que c’était une belle scène. Un peu plus de temps encore pour s’en convaincre jusqu’à la partager avec ceux qui ne chassent pas. Il avait vu la détresse, puis la mort en direct. Cet orignal avait permis à son coeur de s’ancrer à la terre par les racines les plus vraies.
Cela fit de lui un chasseur capable de tout par la suite. On ne lui avait raconté que des histoires où les orignaux mouraient en prenant le large après le coup de feu. C’est que personne, peut-être, n’avait vu comme lui le train de la mort dérailler et venir s’incendier à ses pieds.