Jérémie D’Haïti et Elmeryse Jeune ne purent accompagner leur fille à l’aéroport. Une voiture vint au dépôt pour la prendre. Il en descendit un homme et une femme bien habillés qui étaient pressés. Ils donnèrent aux parents une adresse et un numéro de téléphone à Montréal et dirent à Lovelie que, pour toute la durée du voyage, tant qu’elle ne serait pas dans sa nouvelle maison, elle devait les appeler p’pa et m’man.
Ils se montrèrent outrageusement impatients tout le temps qu’Elmeryse serra sa fille dans ses bras. Jérémie se retint de renvoyer ces gens sans ménagement et de garder Lovelie auprès d’eux. «Nous allons nous revoir, nous allons nous revoir !» répétait-il comme un mantra.
Finalement, il fallut presque arracher Lovelie des bras de sa mère. Elmeryse vit disparaître la petite tête tant aimée, tournée vers elle, à travers la lunette arrière de la grosse voiture, et elle ne la revit jamais.
Lovelie D’Haïti : En 1980, la petite Lovelie D’Haïti est arrachée à sa famille et à sa terre natale pour être placée dans une famille haïtienne, à Montréal. Lovelie comprend vite qu’elle est devenue l’esclave de cette famille, et que la réalité est tout autre que les rêves qu’on avait fait miroiter à ses parents. Un destin douloureux l’attend.
«Au cours de mes années d’enseignement à Montréal, une multitude de jeunes nés aux Antilles se sont retrouvés dans l’une ou l’autre de mes classes. Parmi eux, il s’est trouvé une fille charmante qui portait un nom identique, à l’orthographe près, à celui de mon héroïne. Je me souviens de lui avoir dit : «Ce n’est pas un nom que tu portes, c’est un titre de roman !» Voici ce roman. Je tiens à préciser que l’histoire qu’il raconte n’est pas la sienne, ni celle d’aucune autre fille que j’aie connue.» Sylvain Meunier